Jean-Jacques LOZACH : « les moyens financiers attribués au Sport ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées par l’État »
État, Fédérations sportives Interview
Il y a quelques semaines Jean-Jacques LOZACH, sénateur de la Creuse, déclarait « nous avons besoin d’un État fort dans le sport, dans ses missions de régulation et de contrôle, pour veiller notamment à l’intégrité physique et morale des sportifs et assurer la sécurité des enfants ». Un propos qui fait contraste avec la situation actuelle dans laquelle le ministère chargé des Sports procède au transfert d’une partie de ses missions à l’Agence nationale du sport (ANS), des moyens humains en érosion constante, et ses services déconcentrés appelés à être intégrés au sein de l’Éducation nationale.
- Quels seraient, selon vous, les moyens qui devraient être mise en œuvre par l’État dans le domaine du sport ?
L’effacement des services de l’État est patent, et les moyens financiers attribués ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées au sommet de l’État. Sans coup d’arrêt à ce mouvement aujourd’hui à l’œuvre, présenter la réforme du modèle français comme un héritage positif des JO 2024 devient incompréhensible.
Dans le contexte de sortie de crise sanitaire, il faut accroître ces moyens financiers au bénéfice de l’Agence Nationale du Sport ; une augmentation trouve en particulier sa justification dans un plan de relance spécifique au sport.
La contribution financière doit être également partagée au sein du GIP de l’ANS, structure juridique qui le prévoit, tout en laissant aux collectivités locales, premier financeur public du sport, leur juste place au sein des futures conférences territoriales de financement.
Au-delà de son nécessaire déplafonnement, la taxe Buffet doit être modifiée pour permettre la contribution d’opérateurs télévisuels situés hors de France et diffusant des évènements sur le sol national ; leur non sollicitation représente un manque à gagner d’environ 20 millions d’euros pour la solidarité entre sport professionnel et sport amateur.
- Vous soulignez également qu’un tiers des fédérations sportives n’ont pas respecté l’obligation légale d’adopter une charte d’éthique et de se doter d’un comité de vigilance. Avec la création de l’ANS, les fédérations sportives sont directement associées au processus de répartition des subventions, ce qui accroit considérablement leur exposition au risque d’un conflit d’intérêt.
Quelles dispositions seraient selon vous souhaitables pour renforcer de façon effective l’éthique et la bonne gouvernance des fédérations ?
La préoccupation dominante de la puissance publique doit concerner l’alliance : éthique-économie, déclinée dans toutes les dimensions concernées : sport professionnel, sport de haut niveau, sport amateur, secteur marchand, sphère associative…
Si l’adoption de la charte d’éthique ne constitue pas l’une des conditions obligées de la signature des conventions d’objectifs, nous n’avancerons pas sur la voie de l’exigence morale.
Un approfondissement de la démocratie interne passe par un élargissement du collège électoral concourant à l’élection du président, une limitation du cumul dans le temps de la présidence, ou bien encore la reconnaissance des minorités au sein des instances de gouvernance.
Par ailleurs, l’État doit faciliter le rapprochement entre fédérations chaque fois qu’il peut être envisagé (exemple : mutualisation de fonctions support afin d’accroître la solidarité entre elles).
- Le projet de loi « Sport et société », initialement annoncé pour 2020, ne devrait voir le jour qu’en 2021. L’avant-projet en circulation ne laisse pas apparaitre les contours d’une véritable réforme du modèle sportif français. En particulier, le mécanisme de la délégation ministérielle ne serait modifié qu’à la marge. Que pensez-vous de ce texte en préparation et de ce qu’il devrait modifier pour l’essentiel ?
Le texte législatif envisagé n’atteindra pas un objectif ambitieux si l’affirmation du « droit au sport » qui avait été posé dans la loi Avice de 1984 n’en constitue pas la colonne vertébrale.
Dans cette optique-là, le sport-santé a un rôle prépondérant à jouer, en complément du sport entreprise et du continuum sport scolaire-sport fédéral.
Une refonte structurelle du modèle français ne peut s’exonérer d’une approche européenne, en particulier avec l’article 45 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), relatif à la libre circulation des travailleurs.
Les principales fédérations sont bénéficiaires d’une délégation de service public ; dès lors, comment ne pas les consolider dans leur rôle d’organisation d’évènements face à la rapacité de groupes mediatico-financiers disposés à se substituer à elles dans des compétitions et championnats supranationaux ?