Tribune. Depuis le début de la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19 le monde du sport est quasi à l’arrêt. Malgré le confinement, 38% des français ont continué à pratiquer une activité physique et sportive selon un sondage Odoxa réalisé fin mars.
A la maison d’abord, comme en témoignent la forte hausse des commandes d’articles de sport en ligne (cordes à sauter, tapis de sol, vélos d’appartement, haltères…) et la fréquentation de sites ou d’applications permettant de « bouger chez nous ».
En plein air également : l’activité physique individuelle dans le respect les règles de distanciation physique (course à pied, marche nordique…) figurait parmi les sept motifs exceptionnels de dérogation à la règle générale d’interdiction des déplacements.
Lutter contre le stress et l’anxiété
Le sport a occupé une place importante pendant le confinement : pour l’équilibre de chacun, la lutte contre le stress et l’anxiété. Et comme l’a rappelé justement le professeur Jean-François Toussaint dans un entretien à Aujourd’hui en France le 9 avril dernier : « rester actif stimule le système immunitaire ».
La poursuite d’une activité physique adaptée, régulière et encadrée pour ce public spécifique qui s’est mis ou remis au sport sera l’un des enjeux majeurs de la période de déconfinement.
Soyons réalistes : la reprise des activités en club sera très progressive et dépendra de la réouverture des équipements sportifs, du respect des pré-requis sanitaires, des possibilités d’intervention dans le cadre d’activités périscolaires à l’école ou lors de stages sportifs pendant l’été qui seront forcément limitées.
C’est pourquoi la capacité à offrir de nouvelles activités plus ludiques, une pratique « loisir » en l’absence de compétitions sera déterminante pour « capter » durablement ces néo-pratiquants.
3,5 millions de bénévoles et 16 millions de licenciés
Au-delà de la fin de saison, les dirigeants bénévoles des associations de taille moyenne sont inquiets pour la pérennité de leurs activités, de leurs ressources et partenariats financiers, en particulier à la rentrée prochaine, celle de tous les dangers, où elles craignent de perdre des licenciés pour des raisons économiques ou sanitaires.
Les conséquences financières et économiques dans le sport professionnel ou l’organisation des grands événements sportifs ont fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours.
Mais la crise sanitaire liée à la pandémie du Coronavirus révèle un péril bien plus grave qui menace l’ensemble de l’écosystème associatif, celui du risque d’une hécatombe qui pèse sur le monde associatif ses 350 000 clubs sportifs, ses 3,5 millions de bénévoles et ses 16 millions de licenciés.
Selon une étude d’impact de la Centrale du Sport, une start-up stéphanoise auprès de 3000 clubs, ces derniers ont dû annuler en moyenne dix événements (tournois et stages de fin de saison, vide-greniers, concours de pétanque…), entre mars et juin, pour une perte financière sèche de 7000€.
L’enquête montre que 40% du montant de l’enveloppe « sponsors » des clubs dépend des artisans ou commerçants locaux, qui vont subir de plein fouet les conséquences économiques de la crise sanitaire.
La priorité pour le sport est là. L’enjeu est bien la survie pure et simple de milliers d’associations sportives sur le terrain.
La crise sanitaire a démontré la nécessité d’un Etat fort dans le domaine du sport. Les agents du Ministère des sports et les 1600 Conseillers Techniques et Sportifs ont fait preuve au plus du terrain d’une capacité d’adaptation qui fait honneur au service public.
Il doit être mis fin à l’incertitude qui règne sur l’avenir de leur statut d’agents de l’État depuis presque deux ans et leurs missions d’accompagnement des sportifs de haut niveau mais aussi des bénévoles, des éducateurs, dans les territoires doivent être confortées.
Le financement des emplois sportifs qualifiés dans les clubs doit être soutenu pour les aider à structurer une offre d’activité physique adaptée de Sport Santé-Bien-Être y compris pour les malades chroniques -les plus vulnérables face au Coronavirus- et pour lutter contre la sédentarité. L’Assurance-Maladie devra s’engager à financer en partie ces activités bénéfiques à la santé publique.
On mesure aujourd’hui avec la crise que les emplois aidés, indispensables à la vie associative et qui ont diminué de 80% en trois ans, manquent cruellement. Il faudra y revenir sous une forme ou une autre, mais avec de nouvelles aides à l’emploi sportif.
Un ministère fort, c’est aussi des ressources financières supplémentaires en particulier pour sauver les clubs en difficulté, mieux les soutenir et les accompagner dans le développement de nouvelles activités.
Les fonds de solidarité exceptionnels ne peuvent être réservés aux seuls clubs des fédérations qui en ont aujourd’hui les moyens : football, rugby, tennis…
Nous souhaitons la création d’un fonds de solidarité au niveau national dans le cadre du budget consacré par l’Agence Nationale du Sport au développement de la pratique sportive et le vote par le Parlement de l’augmentation de 100 millions d’euros du produit des trois taxes affectées au financement du sport sur les jeux, les paris sportifs ou la taxe Buffet.
Comme le suggère fort justement l’Union Sport et Cycle, nous souhaitons également simplifier et rendre plus attractif le recours au mécénat sportif pour préserver les aides des sponsors locaux alors que 60% des entreprises déclarent ne pas savoir si elles pourront maintenir leurs partenariats et créer un chèque sport à la rentrée pour les familles, accompagné d’un crédit d’impôt pour la reprise des licences sportives en 2020-2021.
Ce chèque sport d’environ 100€ destiné à soutenir les dépenses sportives des familles, en particulier les plus modestes, à la rentrée pourrait être pérennisé par la suite d’un Pass Sport pour les jeunes de 14 à 20 ans tout comme il existe un Pass Culture.
Les enjeux pour le sport amateur sont clairs : ne pas perdre les licenciés actuels, ne pas voir disparaître de clubs, permettre la poursuite d’une activité physique adaptée pour de nouveaux publics éloignés du sport et augmenter significativement le nombre de pratiquants dans notre pays dans la perspective des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
Régis Juanico
Député Génération.s de la Loire
Co-animateur du groupe de travail « Sport et crise sanitaire » à l’Assemblée Nationale
Jean-Jacques Lozach
Sénateur PS de la Creuse
Co-animateur du groupe de travail « Sport et crise sanitaire » au Sénat