Madame, Monsieur,
Le Sénat a examiné en mars dernier le projet de loi d’orientation des mobilités de la ministre chargée des transports, Élisabeth Borne. L’Assemblée nationale s’en saisira en mai et juin prochains.
Ce projet de loi est très attendu dans nos territoires. Nos concitoyens contraints d’utiliser leur véhicule pour leurs déplacements ont exprimé ces derniers mois leur inquiétude de voir leur pouvoir d’achat impacté par la fiscalité sur les carburants, qui avait été alourdie par la taxe carbone et par la hausse des cours du pétrole.
Plus globalement, il devenait urgent, à l’heure du numérique, de renforcer le désenclavement routier et ferroviaire de l’ensemble de notre territoire en permettant une meilleure connexion des territoires entre eux, en renforçant l’accessibilité des ville moyennes, des métropoles ou encore des grandes agglomérations.
Notre groupe socialiste et républicain a donc salué le fait que le projet de loi a comme objectif prioritaire de mettre fin d’un côté aux zones blanches de la mobilité, et de l’autre de maintenir un niveau conséquent d’investissements de l’État dans les transports à hauteur de 13,7 Mds€ sur la période 2019-2023 (2,76 Mds€ par an) et de 14,3 Mds € sur la période 2023-2027 (2,85 Mds€ par an). Ce niveau d’investissement devrait a priori permettre de maintenir la qualité et la sécurité de nos infrastructures, d’assurer l’aménagement équilibré et la cohésion de notre territoire et de permettre la transition énergétique indispensable au respect de nos engagements internationaux, au premier rang desquels ceux fixés par la COP 21 qui s’est tenue à Paris fin 2015. En réformant la gouvernance territoriale, le projet de loi visait, dans le même mouvement, à donner aux territoires de nouveaux outils.
Mais, force est de souligner qu’en matière de financement, il y a loin de la coupe aux lèvres et qu’en réalité, la programmation des ressources financières est déjà fortement compromise. De l’aveu même du gouvernement, il manquerait d’ores et déjà, à partir de 2019, 500 Mds € par an pour financer les programmes d’investissement fixés par ce projet de loi. De plus, la perte d’une partie des recettes des amendes radars (248 M€ sur les 400 M€ prévus pour 2018) laisse présager que le rendement du produit annuel de ces amendes, censé abonder le budget de l’Agence Française de Financement des Transport de France (AFITF), le bras armé de l’État en matière de politique de transport, sera, dans les prochaines années, bien moindre que celui qu’escomptait le gouvernement.
Faute de moyens financiers, cette programmation financière déjà revue à la baisse est loin d’être sincère et les ambitions portées par le projet de loi ressemblent plus à de l’affichage qu’à une réelle volonté de réenclencher une dynamique d’investissement.
à Trouver des financements pérennes à la hauteur des enjeux de la fracture territoriale, de l’isolement des territoires et de l’éloignement de certains de nos citoyens
Nous avons donc été force de proposition, d’abord pour trouver de nouveaux financements ; aussi bien pour financer la poursuite des investissements dans les infrastructures nécessaires à l’aménagement du territoire que pour permettre la mise en place de nouvelles solutions de mobilités dans certains territoires.
Ainsi notre groupe a proposé que l’État lève un grand emprunt pour répondre aux besoins d’entretien, de renouvellement, de modernisation et de nouvelles capacités en matière d’infrastructures de transport et de mobilité dans nos territoires. Nous considérons en effet qu’il est de la responsabilité du politique de se donner les moyens d’entretenir comme de développer les infrastructures.
Nous avons également proposé la mise en place d’une redevance kilométrique taxant les poids lourds. L’instauration d’une telle redevance serait l’occasion de supprimer la taxe à l’essieu particulièrement discriminatoire permettant ainsi de rétablir une équité fiscale entre les entreprises de transports françaises et celles étrangères parcourant plus de kilomètres.
Ces dispositions censées permettre de combler le manque clairement identifié de moyens financiers n’ont malheureusement pas été adoptées par la majorité de droite du Sénat.
Notre groupe a également voté l’extension du versement Mobilité (ex versement Transport, VT) à un taux réduit et plafonné à 0,3% de la masse salariale pour permettre aux collectivités des territoires ruraux ne disposant pas de services réguliers de transport de disposer de ressources financières pour organiser de nouvelles solutions de mobilité. Comme nous avons voté l’attribution d’une partie du produit de la TICPE pour permettre aux collectivités des zones peu denses dont les ressources sont insuffisantes, de développer des services de mobilité sur leur territoire. Ils ont encore soutenu la proposition de flécher le dispositif des certificats d’économie d’énergie vers les mobilités propres, là encore pour donner des nouveaux moyens aux collectivités soucieuses de développer des solutions de mobilités pour rompre l’isolement de leur territoire.
Enfin, trouver des financements ne saurait seul suffire à impulser des dynamiques de désenclavement territorial si les collectivités territoriales ne disposent pas d’une certaine souplesse en matière de gouvernance territoriale et si, d’autre part la coordination et la concertation entre les différentes autorités organisatrices de la mobilité n’est pas assurée. Si les sénateurs socialistes sont favorables au chef de filât de la région en matière de mobilités et au renforcement du rôle des communautés de communes, ils ont souhaité allonger le délai donné aux communes pour décider le transfert de compétences d’organisation des mobilités (AOM)aux communautés de communes (au plus tard le 1er juillet 2021). Ils ont également soutenu l’allongement du délai à 24 mois au lieu de 18 mois pour permettre aux nouvelles AOM d’élaborer un plan mobilité. Enfin, de concert avec la majorité sénatoriale, les sénateurs socialistes ont proposé la mise en place de « contrats opérationnels de mobilité », permettant renforcer la coordination et la coopération entre les différentes autorités organisatrices de la mobilité et d’assurer la cohérence de tous les services de mobilité en direction de l’usager.
à Pour plus de solidarité à l’égard des populations fragiles, pour une meilleure accessibilité des transports du quotidien
Nous avons soutenu les initiatives visant à inscrire parmi les objectifs prioritaires de la programmation à l’horizon 2037 la réduction des inégalités territoriales.
Nous avons également déposé, sans succès, des propositions visant à introduire plus de solidarité : instituer un taux réduit de TVA pour les transports publics du quotidien ; associer sur la question des mobilités, les départements chefs de files en matière de politique sociales ; prendre des mesures spécifiques à l’égard des populations les plus fragiles, et éloignées de l’emploi.
Notre proposition de créer un numéro unique d’appel national pour la réservation et l’accompagnement des personnes à besoins spécifiques dans le transport ferroviaire a été adoptée.
à Encore mieux favoriser les mobilités durables dans les territoires
Le projet de loi contient plusieurs dispositions visant à favoriser le développement des mobilités douces. Les sénateurs socialistes ont déposé ou soutenu des propositions visant à favoriser les mobilités actives (marche et vélo) ; à encourager le développement des mobilités propres et des modes de transports collectifs plus durables (covoiturage, autopartage, mutualisation des flottes de véhicules à faibles émission entre les différents collectivités).
Nous avons soutenu également la proposition de la majorité sénatoriale visant l’amélioration du forfait mobilités durables en l’ouvrant aux conducteurs qui effectuent un trajet en covoiturage et en permettant son cumul avec le remboursement des frais de transport en commun et des frais d’essence.
Notre groupe socialiste sera donc particulièrement vigilant et attentif à ce que toutes les dispositions que nous avons soutenues et qui ont permis d’apporter de sensibles améliorations au projet de loi ne soient pas supprimées lors de l’examen du texte par les députés.