Les députés Cédric Roussel (LRM) et Régis Juanico (Génération·s) remettent un rapport d’évaluation sur l’application de la loi Braillard de mars 2017.
Par Adrien Pécout Publié aujourd’hui à 06h23, mis à jour à 10h05
Sur le plan de la lutte contre les violences sexuelles, les députés Cédric Roussel (LRM) et Régis Juanico (Génération. s) préconisent d’« imposer par la loi » le contrôle de l’honorabilité des bénévoles. GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Où en est le contrôle de l’éthique dans le sport ? Lancée à la fin de l’année 2019, soit avant le scandale de violences sexuelles dans le patinage artistique, une mission d’information parlementaire se charge de répondre en partie à cette vaste question. L’idée est surtout d’évaluer l’application de la loi du 1er mars 2017, dite loi Braillard, trois ans après la promulgation de ce texte visant, notamment, à « préserver l’éthique du sport ».
Dans leur projet de rapport, dont Le Monde a pris connaissance et qu’ils doivent présenter mercredi 22 juillet à l’Assemblée nationale, Cédric Roussel (LRM) et Régis Juanico (Génération.s) invitent à une réponse « en nuance ».
Les députés des Alpes-Maritimes et de la Loire émettent un regret : si « la loi Braillard est entrée en vigueur, pour l’essentiel, depuis près de trois ans », certaines « exigences » qu’elle contient restent cependant encore « insuffisamment mises en pratique ».
Sanctionner les fédérations récalcitrantes
Au début de juillet, d’après les réponses parvenues au ministère des sports, 62 fédérations délégataires sur 75 respectaient l’obligation légale de disposer d’une charte d’éthique et de déontologie. Et le même nombre d’entre elles assurait aussi satisfaire à l’obligation de se doter d’un comité d’éthique et de déontologie.
Parmi les fautives se trouvent principalement des institutions « comptant peu de licenciés », ajoute – sans les nommer – la mission d’évaluation.
Il y a quatre mois à peine, dans une tribune publiée par Libération avec le sénateur (PS) Jean-Jacques Lozach, M. Juanico faisait état de seulement 41 fédérations respectant la loi. Aujourd’hui, face aux « mises en conformité pour le moins tardives », le rapport parlementaire s’interroge « sur le degré d’adhésion » des fédérations « au nouveau dispositif légal ». Il préconise de confier au ministère des sports la responsabilité de contrôler le respect de cet aspect de la loi. Il s’agirait aussi, selon le texte, d’« instaurer une échelle graduée de sanctions pouvant aller jusqu’aux retraits de la délégation de l’Etat » à l’encontre des fédérations récalcitrantes.
Une telle sanction a très rarement été appliquée jusque-là (et pour d’autres motifs), car elle est synonyme d’interdiction d’organiser des championnats de France ou de représenter le pays lors de compétitions à l’étranger.
La ministre déléguée aux sports, Roxana Maracineanu, avait menacé d’y recourir en début d’année, en plein scandale de violences sexuelles, à l’encontre de la Fédération française des sports de glace.
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Élargir l’obligation de déclaration de patrimoine
La loi du 1er mars 2017 fait aussi obligation aux responsables du mouvement sportif de déposer une déclaration de patrimoine et d’intérêts. Elle concerne les présidents de fédérations délégataires, de ligues professionnelles, du Comité national olympique et sportif français, du Comité paralympique et sportif, ou encore plusieurs responsables de l’Agence nationale du sport.
De ce point de vue, les rapporteurs observent déjà une application « efficace » : selon la Haute Autorité de la transparence et de la vie publique (HATVP), au 10 juillet, seul un dirigeant des fédérations concernées ne s’était pas encore acquitté de cette obligation pour l’année en cours. L’institution précise toutefois avoir dû procéder à 59 relances.
Le rapport parlementaire souligne aussi que la HATVP a transmis, en 2018, un signalement au parquet de Paris à l’encontre d’un dirigeant d’une fédération sportive n’ayant pas répondu à l’obligation déclarative. Contactée par Le Monde, la HATVP refuse d’en dire plus sur son identité, tout comme sur l’existence d’éventuelles suites pénales.
Les deux députés veulent aujourd’hui élargir le champ d’application. Ils proposent de rendre la déclaration également obligatoire pour les membres des « DNCG », les directions nationales du contrôle de gestion, des organes indépendants chargés de surveiller les finances des clubs professionnels, notamment en football et en rugby.
Imposer le contrôle d’honorabilité par la loi
Sur le plan de la lutte contre les violences sexuelles, le rapport parlementaire prend acte du travail déjà effectué par le ministère des sports depuis une demi-année, par l’intermédiaire de sa cellule consacrée au recueil de signalements.
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Si le ministère envisage de procéder à droit constant, par exemple par voie de circulaire, pour permettre le contrôle de l’honorabilité des bénévoles, MM. Roussel et Juanico recommandent de l’« imposer par la loi ». La ministre Roxana Maracineanu entend systématiser un dispositif dès 2021. Sur la base d’un croisement automatisé de données judiciaires, celui-ci concernerait également les arbitres, les dirigeants de fédérations sportives et les titulaires du brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique.
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Autre fléau, les paris truqués. Selon les deux députés, les instruments de prévention et de répression restent encore « perfectibles ». Afin de favoriser la « réactivité des procédures » et l’échange d’informations, même celles protégées par le secret professionnel, la mission estime nécessaire de « consacrer dans la loi l’existence et les missions de la plate-forme nationale de lutte contre les manipulations sportives ».
Déjà en activité, cette plate-forme s’inscrit dans le cadre du Conseil de l’Europe, et en particulier de la convention dite de Macolin. Une convention internationale que la France a signée en octobre 2014 et qu’elle pourrait désormais ratifier, estime le rapport, comme l’ont déjà fait sept pays membres.
En matière de calendrier, les deux parlementaires s’exposent à une autre inconnue. Ils ignorent toujours quand sera examiné à l’Assemblée le futur projet de loi « sport et société »… que Roxana Maracineanu espérait déjà présenter en 2019.
Des doutes sur l’utilité actuelle de la conférence permanente du sport féminin
Outre l’éthique du sport, la loi du 1er mars 2017 vise « à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs ». Problème, selon Cédric Roussel et Régis Juanico : l’une de ses créations, la « conférence permanente du sport féminin », « [peine] aujourd’hui à démontrer son utilité » pour développer ce secteur sous-médiatisé et menacé en particulier par les conséquences de la crise due au Covid-19. En trois ans, les parlementaires comptabilisent trois réunions plénières de l’instance consultative rattachée dès le départ au ministère des sports. Sans vouloir la supprimer, et sans non plus retirer sa présidence au ministère, ils préconisent de désigner une personne à la vice-présidence pour la charger de la direction effective. Tout comme ils recommandent d’« habiliter la conférence permanente à rendre compte de ses travaux devant le Parlement et à être saisi par lui ».