Le sport amateur à rude épreuve
Creuse
Si les entraînements ont repris, sous certaines conditions, pour les mineurs licenciés dans des clubs sportifs de Creuse, le retour des compétitions et de la pratique pour les adultes se fait encore attendre. Ce flou pèse économiquement sur les structures qui tentent de trouver des solutions à l’image d’une pétition en ligne lancée pour demander la défiscalisation des licences.
« On peut dire que ça commence à bien grimper quand même ! » François Le Caloch est satisfait. Sa pétition en ligne lancée il y a seulement dix jours vient d’atteindre les 6.000 signatures, lui qui en espérait 100 dans un premier temps.
Une pétition pour défiscaliser les licences
Le co-président du comité de basket de Creuse s’est lancé dans un combat pour soutenir le sport amateur. L’objet de sa requête, adressée au Président de la République et à plusieurs membres du gouvernement, est de défiscaliser les licences pour favoriser leur paiement auprès des clubs. « Cette saison, l’activité a été très réduite et même si les licenciés ont fait un effort l’an dernier, pas sûr qu’ils fassent de même cette année. Un président de club m’a dit, qu’à la fin de la saison, ils regarderaient dans les caisses, ils diviseront par le nombre de licenciés et fermeront boutique. »
Si les licences ne représentent pas toujours une part importante dans le budget d’une association sportive, cette absence de recettes viendrait s’ajouter à celles liées à l’organisation d’événements mais aussi des sponsors.
« C’est simple, on n’a pu faire aucun événement cette année. Ça remplace un peu le comité des fêtes dans un village. Pour les sponsors, les entreprises s’occupent d’abord de leur situation et c’est bien normal. Si, en plus, on doit rembourser les licences, ce serait symboliquement un sacré coup de massue car c’est un engagement de confiance. »
«On va d’incohérence en incohérence »
Pour le licencié de l’AL Bénévent basket, l’État doit donc intervenir pour soulager les clubs amateurs, ceci sous plusieurs formes. « Le plus simple, c’est la défiscalisation des licences, ça arrangera tout le monde. On peut aussi rajouter le pass’sport qui doit arriver dans l’année j’espère, avec une aide de grande ampleur pour pouvoir reprendre en septembre dans des conditions normales. »
Cette normalité n’est qu’un lointain souvenir pour le sport amateur. Le protocole sanitaire et les mesures annoncées au compte-gouttes exacerbent François Le Caloch. « Une certaine lassitude commence à s’installer chez les bénévoles et j’ai peur pour la suite donc ce serait bien d’éviter de leur ajouter un fardeau supplémentaire. Puis, maintenant, on doit fermer les gymnases mais attention, on a le droit d’organiser des goûters dedans ! On va d’incohérence en incohérence. »
« Quand on parle de sport, c’est pour les professionnels »
À travers cette pétition en ligne ayant reçu des signatures venues de toute la France, le Creusois espère surtout faire entendre le mal-être d’un sport amateur en manque de visibilité selon lui. « On a l’impression que, quand on parle de sport, c’est pour les professionnels. Et on ne voit jamais notre ministre aux grandes conférences de presse du Premier ministre, c’est quand même un signe. »
Lors d’une rencontre, ce vendredi, avec la fédération de basket et de handball, Roxana Maracineanu, ministre déléguée chargée des Sports, a été tenue informée de ce souhait de défiscalisation et devrait, prochainement, faire un point sur le sujet.
« Les aides ne sont pas à la hauteur des besoins du sport amateur »
La problématique du coût des licences sportives est étroitement liée à la question du pass’sport devant être mis en place cette année pour favoriser la pratique sportive. Jean-Jacques Lozach, sénateur de la Creuse, avait initié cette idée en août 2019. Pour lui, son instauration devient urgente dans un tel contexte sanitaire et économique.
La situation du sport amateur devient-elle alarmante ?
« C’est l’ensemble de l’écosystème sportif qui est en grande souffrance, notamment le sport amateur et le basket. Ce qui est déprimant, c’est que le monde sportif n’aperçoit pas le bout du tunnel. Il y a aussi une perte importante du nombre de licenciés. Une enquête du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) montre qu’il y a une perte de 25 %, en moyenne, du nombre de licenciés par rapport à l’année dernière. Cela représente une perte de 800 millions d’euros pour les fédérations. Certaines sont dans des situations très préoccupantes comme la lutte, l’haltérophilie et l’aviron.
Défiscaliser les licences serait une solution pour combler cette perte ?
C’est une demande pertinente mais je ne vois pas l’État décider une défiscalisation. Cette pétition pointe le doigt sur une situation d’urgence. Quand on prend les dispositifs qui sont prévus pour venir en aide au sport amateur, il y avait le fonds de solidarité de l’Agence nationale du sport (ANS) à hauteur de 15 millions d’euros mais c’est très insuffisant compte tenu des besoins. J’avais demandé 100 millions d’euros dans le cadre du débat budgétaire de la loi de finance 2021 mais je n’ai pas été suivi par le gouvernement. Là, on aurait pu venir en aide face à ces pertes de licences.
Quid de l’instauration du pass’sport ?
Ce qui est en train de se passer me conforte dans la nécessité rapide de ce pass’sport. D’autant plus que c’est une aide qui doit soutenir la prise de licence mais aussi l’acquisition d’équipements sportifs ou spécifiques. L’État envisage un montant de 50 euros. Nous, on proposait 300 euros avec une mise en place rapide au premier trimestre 2021. Mais, dans le meilleur des cas, le pass’sport sera envisageable dans le cadre d’une loi de finance rectificative qui interviendra au mois de juin donc il y a un problème de timing. »
Comment le sport amateur va-t-il se relever de cette crise ?
C’est très difficile de savoir ce qu’il va se passer pour la prochaine saison, notamment sur le plan sanitaire. Tout est conditionné par la mise en place de l’état d’urgence sanitaire ou de mesures plus ou moins contraignantes. Le sport dans sa globalité, doit bénéficier de plusieurs soutiens à la fois publics et privés pour que toutes les dimensions soient concernées. C’est vrai que 400 millions d’euros ont été annoncés par le président de la République en novembre mais, malheureusement, les aides ne sont pas à la hauteur des besoins du sport amateur. L’essentiel concerne les clubs professionnels.
A trois ans des Jeux Olympiques de Paris, est-ce que les bons signaux sont envoyés au sport français ?
Cela renvoie à ce qu’on appelle l’héritage olympique pour faire de la nation française une nation encore plus sportive. Avec l’objectif affiché de Laura Flessel, alors ministre des Sports, et repris par Roxana Maracineanu, d’avoir une augmentation de 10% des pratiquants soit 3 millions de personnes. Pratiquants et non pas licenciés car la plupart ne le sont pas. Mais il faut être honnête, cet objectif ne sera pas atteint en 2024.
« On ne laissera pas un club mourir à cause de ses finances »
Si la saison de football amateur a rapidement été arrêtée, les recettes des clubs sont elles aussi au point mort. Pour Philippe Lafrique, président du district de la Creuse et membre du comité exécutif de la Fédération française de football (FFF), le danger économique est réel.
« Bien sûr que j’ai peur pour la reprise en septembre. » Face à la situation sanitaire et économique, Philippe Lafrique est inquiet pour l’avenir du football amateur. Selon le président du district de la Creuse, l’absence de recettes liées aux licences pourrait mettre des clubs en danger. « Certains n’ont pas un petit trésor de guerre pour assumer cette absence de recettes. Soit on va leur demander de rembourser les licences soit elles ne vont pas leur être payées si ce n’est pas déjà le cas. Pourtant, les joueurs devraient voir ça comme une cotisation à une association qui a des bénévoles mais au vu des problèmes économiques de certains foyers, je sais que certains ne paieront pas. »
Face à ces difficultés, le membre du comité exécutif de la FFF entend bien accompagner les équipes. « On peut les aider à demander le fonds de solidarité, d’autant plus qu’un devrait être créé rien que pour elles. On ne laissera pas un club mourir à cause de ses finances. »
Si Philippe Lafrique estime, tout de même, qu’il parait difficile d’imaginer un club creusois mettre la clef sous la porte, les dégâts pourraient ne pas être matériels. « On sent déjà une baisse de motivation chez les bénévoles. Du côté des joueurs, ils ont perdu l’habitude de jouer le dimanche en début d’après-midi. Et il faut aussi rappeler que le sport est un facteur de lien social donc ça peut causer des dépressions. Ce sera peut-être la conséquence la plus grave à moyen terme. »