C’est au sein de l’Atelier de Catherine Bernet, installée à Felletin, que s’est déroulée cette tombée de métier hors du commun. Cette œuvre Tapis-porte conçue par Vincent Bécheau et Marie-Laure Bourgeois allie trois dimensions de la tapisserie d’Aubusson : la tapisserie murale, la tapisserie d’ameublement (dans l’esprit d’une portière) et le tapis.
Le projet est constitué d’une tapisserie avec une découpe en U pour en dresser une partie sur le modèle d’une porte. Les dimensions imposantes sont hors norme : la longueur totale est de 8 mètres de long pour 2 mètres de large et la porte atteint une hauteur de 2,80 mètres. Sur la partie verticalisée, l’envers de la tapisserie est également pensé en termes graphiques, faisant partie intégrante de l’œuvre. Les fils de trame de l’envers du tissage sont laissés suffisamment longs pour être noués en pompons réguliers. Environ 70 couleurs ont été nécessaires à la réalisation de cette tapisserie aux motifs calligraphiques complexes.
Les deux artistes ont puisé leur inspiration dans le Salon de la Guerre de Robert Bonfils illustrant la victoire des alliés à l’issue de la Première Guerre mondiale, exposé au cours de « Expo 1925 » au Musée de la tapisserie d’Aubusson, en 2012. De là, ils ont mené une réflexion sur la guerre, la paix, la notion de frontière et la représentation du dialogue. Le Tapis-Porte met en exergue la double nature de la frontière, ligne de séparation déclarée par les Etats et zone d’échanges investie par les individus.
S’appuyant sur l’étymologie commune des mots « texte » et « tissu », en cohérence avec le symbolisme de la guerre et de la frontière, les deux artistes ont choisi pour motif la multitude des écritures. C’est la matérialité de la lettre qui a guidé la conception de l’œuvre : les lettres sont seulement des signifiants de l’universalité du langage, les caractères ne sont pas porteurs d’un message qui serait écrit. Ainsi, les alphabets du monde entier se croisent, se côtoient et se mêlent jusqu’à l’effacement de l’écriture, visible de près mais qui laisse place à un graphisme dense de loin, jusqu’à former un paysage.
La réalisation de cette tapisserie unique a nécessité 2 ans de travail, 800 heures de culture. Deux contrats de génération ont participé à cette opération : Vincent Feix, issu de la 2nde promotion de la formation de lissiers et Daniel Bayle, lissier ayant tissé la tapisserie « sans titre » de Mathieu Mercier.
L’oeuvre sera présentée avec son installation finale au sein de la future Cité de la Tapisserie, et donc visible dès le mois de juillet 2016 lors de l’ouverture officielle.