Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre, j’ai été amené à intervenir en séance publique au nom de mon groupe, suite aux conclusions de la CMP (Commission Mixte Paritaire*). Le texte a ensuite été adopté de façon définitive par le Sénat. De façon très concrète, cette loi va entraîner l’évolution de la TNT actuelle, généralisant dès le mois d’avril 2016 une nouvelle norme technique dans la réception de tous les foyers, facilitant dans le même temps le déploiement de l’accès internet mobile en haut débit du fait de l’usage de nouvelles fréquences.
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* La CMP réunit 7 sénateurs et 7 députés en cas de vote de versions différentes d’un texte de loi. Elle a pour mission de trouver un accord, avant un nouveau vote dans chaque assemblée.
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Je me réjouis de l’aboutissement d’une proposition de loi qui, en première lecture, avait été votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale et qui a fait l’objet d’un large consensus, lors de la réunion de la CMP.
Le texte que nous entérinons, répond à une injonction communautaire et concrétise l’annonce, faite en 2013 par le Président de la République, de libérer la bande 700 Mégahertz (occupée actuellement par les chaînes de la TNT) pour permettre aux opérateurs de téléphonie mobile d’en disposer, à partir de décembre 2015 et pour une utilisation en 2017.
Cette mutation technologique répond à une nécessité, pour les opérateurs télécom, de faire face à l’augmentation du trafic sur Internet et l’accroissement des pratiques numériques, à la nécessité d’améliorer le développement des services mobiles à très haut débit.
Ces « fréquences en or » dont nous discutons de la future réaffectation, présentent le double avantage d’offrir une meilleure pénétration du réseau mobile dans les immeubles (les ondes de la bande 700 traversant le béton) et d’assurer une très bonne couverture avec un nombre limité d’antennes, dans les zones de faible densité.
Les fréquences de la bande 700 mhz seront attribuées aux opérateurs télécom, selon un système d’enchères, pour un montant pré-évalué, au minimum, à quelques 2,5 milliards d’euros, pour l’ensemble de la bande.
Nous disposons désormais de précisions sur le déroulement des enchères et la mise à prix des lots. L’ARCEP a ainsi prévu de diviser en 6 blocs de 5 MHz, les fréquences mises en vente et d’organiser plusieurs tours d’enchères ascendantes. Le prix de départ est fixé à 416 millions d’euros par lot, et il augmentera de 5 millions d’euros à chaque nouveau tour d’enchères.
L’ARCEP a limité la quantité de fréquences pouvant être obtenue par chaque opérateur. Ainsi, aucun opérateur ne pourra détenir plus de 15 MHz. Et, en prenant en compte les appels d’offres passés préalablement sur les bandes de fréquences 800 et 900, aucun opérateur ne sera, à l’issue de ces nouvelles enchères, autorisé à cumuler plus de 30 MHz de fréquences. Les 3 opérateurs possédant déjà 20 Mhz en fréquences devront donc se contenter de 2 lots de 5 Mhz chacun, au maximum !
Cette solution semble équitable ; elle est à même de maintenir une diversifité des opérateurs et de limiter la concentration dans le secteur, même si l’un des opérateurs (Free) la conteste et aurait souhaité que l’ARCEP lui réserve un lot. Je rappelle que cet opérateur, faute d’avoir assez enchéri lors de la précédente attribution de la bande 800, n’avait pas obtenu de fréquence ….
L’ARCEP a donc annoncé que 4 opérateurs (Orange, Free, Numéricâble-SFR et Bouygues Télécom) avaient envoyé des dossiers pour concourir à ces enchères, ce qui permet d’espérer un enchérissement à la hauteur des attentes… L’autorité de régulation des télécoms va examiner ces 4 candidatures pour voir si elles respectent les critères de recevabilité de candidature fixées ; puis les enchères débuteront en novembre.
Les craintes concernant le lancement de la procédure en temps utile qui avaient été nombreuses sur nos bancs, en juillet, semblent être désormais sans fondement !
J’en viens à l’objet premier de la proposition de loi : la continuité des services de télévision numérique de terre (TNT) qui utilisent jusqu’à présent la bande 700 ; cette continuité d’émission sera garantie grâce au recours à une nouvelle norme de codage, le MPeg4, norme plus performante que celle actuellement utilisée, le MPeg2 et qui permettra la diffusion de toutes les chaînes actuelles, sur un nombre de fréquences réduit.
Plus de 80 millions d’euros sont prévus par l’Etat, plus particulièrement pour aider les particuliers n’acquittant pas la contribution à l’audiovisuel public, à acquérir l’équipement nécessaire au changement de norme mais également pour aider les foyers qui connaitront des difficultés de réception, dans ce dernier cas, sans condition de ressources.
Selon Médiamétrie, 6% des foyers soit 1,7 million ne disposeraient encore que de décodeurs MPeg2. Ce sont ces foyers qui vont devoir rapidement acquérir un nouvel équipement.
Le gouvernement s’est engagé verbalement à prendre en charge l’ensemble des coûts rentrant dans ces deux catégories tout comme ceux subis par les éditeurs de chaînes obligés de s’équiper et les opérateurs de multiplexes qui subiront, de fait, des ruptures de contrat, par la réorganisation des multiplexes.
En effet dès le 5 avril prochain, date très proche, le recours au MPeg4 sera obligatoire pour recevoir les chaînes TNT (à l’exception des déclinaisons de France3 qui vont disposer d’un calendrier moins serré). L’Agence nationale des fréquences a donné son aval au calendrier mais réunit périodiquement un comité de suivi regroupant toutes les parties concernées. Madame la Ministre, afin de rassurer nos collègues sur tous les bancs, vous avez également accepté le principe d’une nouvelle réunion de la CMDA (Commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle) -dont est membre notamment notre collègue David Assouline -, en novembre prochain.
Le rapport de l’IGF, tant attendu lors de nos débats en juillet, dont les conclusions n’ont pas été publiées, semble néanmoins –si j’en crois les termes du rapport de CMP- avoir mis en lumière que les éditeurs de services de télévision ne devraient pas trop pâtir de la réorganisation des fréquences et du basculement vers la norme de codage Mpeg4 puisque la réforme devrait engendrer des économies de coût.
Quant aux opérateurs de multiplexes, seul l’un des trois existant (Itas Tim) devrait subir un contrecoup de la réforme ; Towercast et TDF ne devraient pas supporter de préjudice trop important.
Nos deux rapporteurs du texte, Patrick Bloche (AN) et Catherine Morin-Desailly (Sénat) semblent avoir été rassurés par les conclusions de ce rapport dont, pour l’heure, eux seuls parmi les parlementaires ont eu connaissance.
A ce titre, je me félicite de l’accord trouvé à l’issue de la CMP qui a permis de conserver les apports majeurs de chacune des deux assemblées :
- le souhait du Sénat de maintenir l’objectif de couverture de 95% de TNT, sous réserve de la disposition de la ressource et compte tenu des contraintes du multiplex « multivilles », a été entériné par la CMP ;
- de la même façon, le texte du Sénat renforçant la taxe à acquitter, en cas de la cession d’une fréquence TNT, a été amendé mais conforté par la CMP ; ces préoccupations rejoignent celles – déjà anciennes – des sénateurs socialistes qui sont à l’origine de cette taxation !
- je salue la sagesse de notre rapporteur qui, compte tenu des conclusions du rapport de l’IGF et des engagements du gouvernement, a accepté de supprimer les articles 5 bis et 8 bis A, introduits par le Sénat, qui prévoyaient des indemnisations à la charge des opérateurs télécoms, des préjudices subis, respectivement, par les éditeurs de services audiovisuels et par les opérateurs de multiplexes ;
- de la même façon, je me réjouis que Madame la Rapporteur ait accepté, compte tenu des engagements gouvernementaux, de supprimer la disposition figurant à l’article 2 qui contraignait, par la loi, la CMDA à rendre un nouvel avis ;
- la suppression, par la CMP (reprenant le souhait exprimé en première lecture par l’Assemblée nationale), de la référence (article 29-1 de la loi de 1986) au réaménagement des fréquences attribuées à la radio numérique de terre (RNT), non concernées par la réaffectation de la bande 700, est positive.
Les conditions législatives me semblent donc réunies pour que le réaménagement de la bande 700 et la réaffectation des fréquences se déroulent dans les meilleures conditions et dans les délais impartis.
Les sénateurs du groupe socialiste et républicain seront néanmoins très attentifs à ce que l’ensemble des foyers français continue de recevoir la TNT dans des conditions optimales et, le cas échéant, moyennant les aides nécessaires que le gouvernement s’est engagé à verser.
Nous serons également vigilants sur le maintien de l’équilibre actuel au sein du paysage audiovisuel et quant aux éventuels problèmes auxquels devront faire face les sociétés éditrices de chaînes et les prestataires techniques de multiplex.
Enfin, je souhaite que les enchères permettent à tous les opérateurs de téléphonie d’obtenir une part de la bande 700, afin qu’ils puissent, tous, développer leurs services de téléphonie mobile, ce qui garantira le maintien du pluralisme dans le secteur. Il en va d’abord de l’intérêt des consommateurs.
Les conditions d’enchères prévues par l’ARCEP garantissent à l’Etat d’effectuer une opération financière correspondant – a minima – à l’objectif de 2,5 milliards initialement prévu. Il est important que l’Etat ne brade pas une partie importante d’un bien rare, le spectre hertzien, jusque-là « prêté » gratuitement à des opérateurs de télévision !
Au final, la France pourra s’enorgueillir d’avoir respecté les injonctions européennes tout en modernisant les conditions de diffusion des services audiovisuels et celles de réception des services de téléphonie.