Interview de Jean Jacques Lozach, Sénateur de la Creuse – CoPrésident du club Parlementaire Sport, Rapporteur du budget des Sports au Sénat.
Monsieur le Sénateur, vous avez introduit la dernière soirée du club sport parlementaire qui avait pour thème « Faire évoluer la licence pour développer la pratique sportive : une opportunité pour les acteurs du sport ? ». Cette idée d’évolution démontre-t-elle que, selon vous, la licence ne correspond plus à la pratique sportive actuelle ?
Ce que véhicule la licence doit être en adéquation avec les constantes mutations de notre société. En effet, notre vision des activités physiques relève d’une multitude de facteurs (éducation suivie, individualisation des pratiques, « uberisation » croissante, explosion du sport-business, mondialisation, métropolisation, rôle accru des collectivités locales, vieillissement de la population, mutations écologique et technologique, représentation du corps…). Cette complexité est à intégrer dans la nature de ce lien entre État – Fédérations – Population que représente la licence.
Plusieurs enjeux se cachent derrière la licence : le modèle économique des fédérations, le recensement des pratiquants, le service rendu, la formation,… Comment est-il possible de concilier ces différents éléments très pragmatiques et les attentes des pratiquants qui ont évolués ?
Les attentes nouvelles mettent l’accent sur le plaisir, le bien-être, la nature, le lien social, la convivialité. La recherche du résultat et de la performance représente, aujourd’hui, une motivation en retrait de ces aspirations. L’avenir des clubs passe par un bouquet de services d’intérêt général proposées aux pratiquants (assurance, qualité de l’encadrement et des équipements, accès aux compétitions, assistance technique aux choix de matériel et de technologies diverses, mode loisirs, conseils, moyen de contribuer à la vie de l’institution, journées découverte…).
Les recettes qui en résultent doivent être considérées comme le socle du modèle économique des Fédérations. À elles de diversifier leurs ressources (publiques et privées) à partir de ces fondements.
On parle beaucoup ces derniers mois du sport-santé, de la pratique sportive dans les quartiers politiques de la ville,… Pensez-vous qu’il faille aborder ces nouveaux enjeux par une approche « licence » comme le font certaines réflexions en cours sur la licence le sport-santé ?
Aujourd’hui, le sport-santé représente sans doute l’angle d’attaque le plus consensuel, le plus facilement admis pour justifier une pratique physique.
Il renvoie au sens profond que l’on souhaite donner à son existence. Chacun perçoit comme incontournable le moment où la question de son autonomie se posera. Pour retarder cette échéance, pour prévenir ou traiter les formes les formes les plus diverses de maladies, une activité physique adaptée constitue une solution scientifiquement prouvée et socialement acceptée.
Il importe, en application de la loi TOURAINE sur la modernisation du système de santé, de mettre en œuvre une offre accessible au plus grand nombre. La licence-santé peut en être un outil, articulé au volontarisme du corps médical et du tissu associatif et à la recherche de financements appropriés.
2019 devrait faire bouger les lignes dans le mouvement sportif avec la prochaine loi « Sport & Société ». Quelles vont être les principales nouveautés ?
La loi « Sport et Société » soulève beaucoup d’espoir ; elle se veut ambitieuse par la modernisation de notre modèle sportif et notamment de son mode de gouvernance. Le principal défi à relever réside sans doute dans la cohérence à introduire, vue la diversité des problématiques concernées.
Des termes très forts ont été formulés (ex : « révolution »). La principale nouveauté réside dans la création d’une agence de financement et d’appui à la performance et au développement des pratiques. Son rôle sera central en termes d’orientations, car représentatif des quatre piliers de la Gouvernance : État, mouvement sportif, collectivités territoriales, monde économique.
Mais il est évident que son action et son rayonnement dépendront largement des moyens mis à sa disposition ; en l’occurrence, les décisions gouvernementales et les dispositions législatives seront déterminantes.
Pour conclure : 3 millions de pratiquants ou 3 millions de licenciés en plus pour 2024 ?
L’objectif ambitieux affiché par la Ministre évoque « trois millions de pratiquants ». Pour se rapprocher de ce chiffre, l’attractivité des fédérations et des clubs sera majeure, comme le seront l’image véhiculée par le sport de haut niveau et la préservation optimale de sa dimension éthique.
Pour que cette dynamique se traduise en nombre de licenciés, il convient d’envisager, sans attendre, un environnement facilitateur (meilleure reconnaissance du bénévolat, déplafonnement des taxes affectées au financement du sport, incitation du secteur privé à investir, vote d’une loi de programmation budgétaire 2019-2024, rétablissement des emplois aidés…).