C’est ce qu’on appelait autrefois une usine à gaz, assume Jean-Francois Guittard, le représentant du trio d’investisseurs qui va construire deux mini centrales biomasse bois en Creuse : «Le bois est chauffé à 1.300ºC, ce qui provoque la pyrolyse, soit la production de gaz sans passer par la combustion. Cette technologie date de 1780. Au XIX siècle, les villes produisaient leur gaz comme ça, avec du bois, puis du charbon »
Sauf que dans les centrales biomasse du XXI siècle, le gaz produit doit actionner des moteurs, produisant eux-mêmes de l’électricité. Chaque installation produira également de la chaleur, selon le principe de la cogénération. Cogénération, un mot qui provoque des moues dubitatives chez les pionniers de Felletin : au début des années 2000, un réseau de chaleur et de production d’électricité à partir de résidus de la filière bois y a été inaugurée. Économiquement, ça n’a pas fonctionné.
Prix de rachat de l’électricité garanti
Jean-François Guittard et ses associés ont un «business plan» qui repose sur «un carnet de commandes rempli sur vingt ans : un prix garanti de rachat de l’électricité garanti par l’Etat ».
Ce bon client permet à la société Combrailles bois énergie, inconnue
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au bataillon, de signer deux chèques de 8 millions d’euros chacun, pour deux minis centrales biomasse de 2,5 mégawatts. L’une sera construite à Bourganeuf (zone d’activités bois de Langladure), l’autre à La Souterraine(dans une friche industrielle ou commerciale en périphérie de la ville).
Lorsque nous avons rencontré Jean-François Guittard, nous l’avons senti sincèrement heureux de pouvoir créer cinquante emplois en Creuse, « j’espère qu’on pourra embaucher des ex-Gm&S ». Participant ainsi « au plan de revitalisation du département», appuie le sénateur Jean-Jacques Lozach, en emmenant l’investisseur chez le notaire pour lui faire signer l’achat d’un terrain de 3,2 hectares, sur la zone d’activités de Langladure.
D’un abord affable, Jean-François Guittard, qui est installé dans le Puy-de-Dôme, ne brandit ni la philanthropie, ni l’écologie pour expliquer son intérêt pour la Creuse : «Nous avons recherché un endroit où la matière première est abondante », Combrailles bois énergie n’a pas de références en France à présenter. Gourmande en main-d’œuvre, ces petites centrales électriques ont fait leurs preuves… «en Afrique de l’Ouest,
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où j’ai travaillé une vingtaine d’années », explique l’ingénieur, qui va construireà Bourganeuf et à La Souterraine, des «usines à gaz » de fabrication chinoise. Celles-là mêmes qu’il a éprouvées en Afrique : «On peut aujourd’hui trouver des machines fabriquée en Europe, mais à des prix qui ne permettent plus à un projet comme le nôtre d’être rentable».
Une technologie chinoise qui a fait ses preuves en Afrique
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Le projet de Bourganeuf a été retenu en février 2017 à la suite de I’appel d’offres lancé par Ségolène Royal, ministre de l’Écologie.
Le projet de La Souterraine est l’un des lauréats de l’appel d’offres lancé sous l’égide du ministre de la Transition Écologique de Nicolas Hulot. L’annonce des projets retenus a été faite fin février.
Le projet à La Souterraine présenté par les trois associés Combrailles bois énergie est parmi les onze dossiers retenus par Nicolas Hulot sur une quarantaine de candidats et le seul en Nouvelle-Aquitaine.
L’appel d’offres lancé par le gouvernement est un gage de
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sérieux : les dossiers ont été passés au crible par la CRE (Commission de régulation de l’énergie).
« Ségolène Royal a ouvert le Marché à de petites unités »
Le projet de Bourganeuf a pris du retard pour des questions administratives.
Les parlementaires creusois, le sénateur JeanJacques Lozach et le député Jean-Baptiste Moreau, sont
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intervenus « au plus haut niveau » pour débloquer la situation. Ces projets de mini-centrales de production d’électricité à partir de biomasse n’émergent que maintenant en France pour des raisons réglementaires. Explications de l’investisseur : « C’est Ségolène Royal qui a ouvert le marché de l’électricité à des unités de moins de 5 MW.
Auparavant, cela ne concernait que des multinationales. Les constructeurs européens se sont détournés de ce marché des centrales à petite puissance. Ailleurs dans le monde, cette technologie n’a jamais cessé de se développer, c’est pourquoi les Chinois ont pris de l’avance».
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Le bois est classé comme une énergie renouvelable mais c’est surtout par son approvisionnement local qu’une petite centrale est particulièrement vertueuse, estime Jean-François Guittard : « Depuis une trentaine d’années on a construit de grosses centrales biomasse en France. Mais l’approvisionnement nécessite des norias de 40 à 60 camions qui vont chercher la matière première dans dix départements alentour ».
Les centrales de 2,5 MW de Bourganeuf et de La Souterraine doivent tourner avec « trois camions par jour ».
Jean-François Guittard assure que la pression sur la forêt limousine sera marginale : « On va travailler avec
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des coopératives implantées en Limousin : notre consommation ne représentera qu’une petite partie de leur production ».
Forte Pression sur les résidus de bois ?
Il reste que la demande sur la matière première, c’est-à-dire les branches et bois d’éclaircies, augmente : l’usine de pâte à papier de Saillat (Haute-Vienne) en est une grosse consommatrice.
En Limousin, certaines coupes rases de bois de feuillus alimenteraient ce marché des « bois de trituration ».
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« Il y a une enquête de la préfecture sur la ressource en bois. Pour le moment, Il n’y a pas de problème », assure l’investisseur.
Comme le relève toutefois un maire creusois : « La collecte de bois doit s’effectuer sur le même secteur que celui de l’usine à pellets de Bugeat-Viam (Corrèze). Si on ne laisse pas les branches au sol, il ne pourra pas se régénérer. Et si on replante des résineux, il faudra mettre des engrais qui iront directement dans nos sources ».
Jean-François Guittard assure qu’il n’y a pas de « concurrence » sur la matière première avec le projet de Bugeat-Viam : « Les souches, ça ne nous intéresse pas ».
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La société Énergie Biomasse Limousin (EBL) filiale de Combrailles Bois Energie (COBE), basée au Puy-de-Dôme, s’est trouvée lauréate en mars 2017 d’un appel d’offre de la CRE (Commission de Régulation de I’Énergie), autorité indépendante chargée de veiller au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz en France, pour l’implantation d’une unité biomasse-gazéification à Bourganeuf.
Cette entreprise a répondu au premier appel d’offres biomasse/biogaz lancé en avril 2016 par Ségolène Royal, alors Ministre de l’écologie et du développement durable, pour les filières bois énergie.
Ce projet, suivi depuis deux ans par le sénateur Jean-Jacques LOZACH et le député Jean-Baptiste MOREAU a été présenté par Jean-François Guittard, l’un des trois associés de la société lauréate avant que celui-ci ne signe avec la com-com Creuse Sud-Ouest, lundi 12 mars dernier, le compromis de vente du terrain (3,3 ha) situé sur la zone d’activité de Langladure.
Un acte qui sonne le départ de la mise en chantier du projet, avec tous ce que cela suppose de mise en place de financements, de constructions, d’installations de machines, et de mise en service suivi d’essais prévus à l’horizon 2019.
QU’EST-CE QUE LA GAZÉIFICATION PAR LA BIOMASSE ?
La biomasse est la source d’énergie renouvelable industrielle la plus ancienne (1780) utilisé par l’humanité et plus connue par l’appellation de « gaz de ville ». Ce terrain un champ très large de matières : branchages de bois, déchets des industries de transformation du bois, déchets agricoles (pailles, lisiers, etc.) et toutes autres sortes de déchets organiques qui en font la 2eme énergie renouvelable dans le monde.
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Elle permet de produire de l’électricité et de la chaleur via la combustion de déchets et de résidus de matières organiques végétales ou animales, de bois de récupération (exclusivement ici) et/ou d’écorces, toujours présenté sous la forme de buches ou de plaquettes.
La « gazéification » désigne une transformation thermochimique consistant à décomposer par la chaleur un solide combustible carboné (charbon biomasse) en présence d’un réactif gazeux (gaz carbonique, vapeur d’eau puis oxygène/air) dans le but d’obtenir un mélange gazeux combustible. La réaction de gazéification se passe dans des conditions de température très élevées (plus de 1000°C). Lors de ce processus, la biomasse est soumise à quatre phénomènes thermochimiques complexes qui se succèdent : le séchage, la pyrolyse, l’oxydation et la réduction. Le gaz de synthèse obtenu à la fin, appelé « syngas » (pour « synthétic gas »), est un mélange de deux gaz combustibles : le monoxyde de carbone (CO) et l’hydrogène (H2). C’est lui qui sera utilisé pour faire tourner une turbine productrice l’électricité, tandis que la chaleur fabriquée par la machine pourra être dirigée pour 1/5′ vers des utilisateurs voisins comme technique de chauffage et la plus grosse partie utilisée pour le séchage du coke (cendre résiduelle) destiné à devenir du charbon de bois.CIRCUIT COURT ET CRÉATION D’EMPLOIS
Le choix de Langladure a été motivé par le critère très important du circuit court.
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Compte tenu que l’approvisionnement en matières organiques (ici, exclusivement du bois) doit être continu et homogène, pour des raisons de rentabilité économique et d’efficacité énergétique, la distance séparant les ressources des unités de gazéification ne doit pas dépasser une soixantaine de kilomètres. Sachant que 1kg de biomasse (bois) permet de produire environ 1,3 kwh d’énergie électrique et de 1,7 à 2,5 kwh d’énergie thermique, cette installation, basée sur le principe de la cogénération, sera productrice de 2,5 mwh d’électricité verte revendue à l’Etat Français et 5 mw thermique, pour une consommation de biomasse de l’ordre de 22000 t/an. A titre de comparaison, 1kg de gaz ou du pétrole fourni environ 12 kwh d’énergie thermique.
Avec les nouvelles possibilités de se fournir en électricité chez n’importe quel fournisseur, il serait donc techniquement possible pour Bourganeuf d’être alimenté presque exclusivement par la centrale biomasse d’EBL, ce qui porterait le circuit court à son pinacle, avec une production de matière première, une fabrication et une consommation locale.
D’un point de vu social, même si la centrale biomasse de Langladure sera automatisée au maximum, il est prévu le recrutement de 25 personnes, un nombre imposé par la loi en matière de travail 24/24h – 7/7 j. Ces emplois seront assurés par des personnels de réception de la matière première (3 camions par jour), de surveillance de l’installation, avec la présence d’électromécaniciens et d’ingénieurs nécessaire à la maintenance des matériels.
Giulhem Carbon
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